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A PROPOS DE L'ÉVOLUTION DU MATÉRIEL

 

Les événements rapportés dans ce récit ne sont que les souvenirs d'un coureur, ils méritent sans doute d'être confirmés ou corrigés.

Quand Pierre Saint Jean* rêvait à la fin des années 60 que le Moth deviennent une monotypie, qui allait s'appeler "Europe", il n'imaginait probablement pas l'évolution qui se produirait au début des années 90.

En 91, l'Open Week du Championnat d'Europe à Workum regroupe 400 bateaux. La quasi totalité des participants ont des mâts Winner, des voiles Green, des safrans et des dérives Tebbertman. Les bômes sont, soit des Proctor, soit des Marstrand, les coques des Winner ou des Finessa.

Le passage à l'Olympisme et le "professionnalisme" du Haut Niveau vont beaucoup peser sur les évolutions ultérieures.

Aux J.O. de Barcelone en 92, alors que la plupart des europettes utilisent un matériel classique, une Américaine a mis au point un gréement qui lui permet de décrocher la médaille de bronze malgré deux PMS (actuel OCS), dont une est prise en compte dans son classement La démonstration est claire ; la mise au point du matériel s'intensifie, facilitée par le développement d'entreprises très performantes technologiquement comme Marström ou Composite Spar (Optimax). Marström est une grande firme Suédoise qui travaille pour l'aérospatiale et l'armement. Son patron, passionné de voile et particulièrement de catamaran de sport, se lance, plus par plaisir que pour des raisons économiques, dans la construction de matériel nautique : coques de Tornado, gréement et appendices d'Europe, de Finn, de Class A Les mâts Marström et les mâts Composite Spar envahissent le circuit. Très bien finis, très solides (inusables même, Soren Johnson champion du Monde en 98, 99 et 2001 utilise le même depuis 95 et "navigue tous les jours" !), ils sont relativement bon marché, vu le procédé de construction. En 1994, Composite Spar ferme les portes de son usine hollandaise qui, officiellement, pollue trop. Marström va tenir le monopole de la production.

Shirley Robertson, deuxième au Championnat du Monde en 1993, soutenue par de nombreux sponsors, dispose alors de gros moyens financiers. Elle fait construire un mât en forme d'aile : quelle vitesse ! ! ! Avec un aplomb propre à déstabiliser ses adversaires, elle l'annonce à 70 000 francs. Ce qui ne correspond jamais qu'au prix de la recherche, plus celui du moule, divisés par le nombre de mâts produits, soit 210 000 francs divisés par 3. Rien d'extraordinaire finalement, puisqu'un moule vaut au moins 150 000 francs et qu'un mât revient au moins à 5 000 francs en sortie d'usine. Pourtant sa vitesse et le prix annoncé ne manquent pas d'impressionner ses adversaires qui assistent impuissantes à ses remontées diaboliques en deux bords ; à terre, l'encre coule.

En 1996, avec ce mât, Shirley termine 4ème aux J.O. C'est un mât Winner qui gagne avec Kristine Roug. Margrit Matthijsse et Sharon Ferris finissent 2ème et 5ème avec des mâts ailes construits en Nouvelle Zélande. Leur production est assurée par deux usines qui les vendent 9 000 francs et espèrent en vendre une quarantaine chacune "pour rembourser l'investissement", sauf qu'avec le transport les mâts arrivés en Europe se négocient à 10 500 francs, c'est-à-dire 2 500 francs de plus qu'un Marström et le mât de Shirley vaut toujours officiellement 70 000 francs, somme qu'une Japonaise est prête a débourser mais pour racheter le mât de Sharon mât qui n'est pas à vendre et sera finalement cédé pour 20 000 francs. Face à de tels prix la protestation gronde sur les parkings, Championne Olympique en tête, d'autant qu'avec son mât-aile Margrit a remporté 4 des 5 régates qu'elle a courues dans l'année 97 (Championnat d'Allemagne, Championnat d'Europe, Open Week où elle est 2ème avec les garçons, et Championnat du Monde remporté 2 manches avant la fin). L'ISAF s'en mêle, demande à la Classe de réagir. Aux Championnats du Monde de 1998, à Travemünde, on propose, pour baisser le prix de construction, que les mâts soient entièrement ronds à l'extérieur et à l'intérieur. Mais il faudrait remplacer tous les mâts existants, alors que deux mille mâts Marström sont déjà construits ; ce qui va conduire à un compromis : la forme Marström devient obligatoire pour les J.O. de 2000 et 2004 et pour les Championnats du Monde et d'Europe après 2007. Cette règle est acceptée, même si beaucoup s'accordent à dire que les mâts-ailes tirent leur supériorité de leurs courbes plutôt que de leur forme.

Pour conclure ce chapitre : Shirley et Margrit ont terminé 1ère et 2ème aux J.O. de Sydney avec des mâts forme Marström et Shirley estime son nouveau mât forme Marström à 40 000 francs.

Quelle évolution pour les safrans et dérives ?

Le fabriquant quasi exclusif sera longtemps le Hollandais Tebbertman, un menuisier qui travaille parfaitement le matériau le plus rentable autorisé par la jauge : le bois qui est rigide, solide, de densité peu élevée mais qu'il faut raboter pendant des heures

A partir des années 90, certains navigateurs se font plus exigeants, demandent des dérives plus rigides : Tebbertman rajoute des couches de fibres de verre et de la résine ; les dérives s'alourdissent

En 1993, Marström apporte une solution avec la dérive creuse : il travaille deux planches de bois qu'il joint solidement dans un moule par un procédé de haute technologie très onéreux, tout en limitant (par philanthropie ou par tactique commerciale ?) le prix de vente à 1 400 francs.

Finessa utilise un système beaucoup moins cher, en taillant simplement un pain de mousse qu'il imbibe de résine dans un moule : la dérive sort d'usine à un prix très compétitif, mais elle casse

E & V reprend le procédé en rajoutant une fine couche de bois de chaque coté, ce qui rehausse le coût de fabrication, sans garantir une solidité à toute épreuve. Pour être plus compétitif, E & V implante son usine dans les pays de l'est.

Actuellement E & V et Marström vendent leurs dérives prés de 3 000 francs, somme toujours excessive pour nos bourses mais incompressible de part le procédé de construction. En effet, le bois, seul matériau autorisé qui permette de faire un produit solide, comme le Spruce ou le Red Cedar, est un matériau noble donc coûteux et qu'il faut façonner à la main avant de le mettre dans le moule. Ne peut-on le remplacer ?

L'anglais Bloodaxe qui a commencé à travailler avec Shirley Robertson (l'histoire recommence), modifie le procédé de Tebbertman en utilisant une mousse haute densité, mais ce matériau est encore plus cher et plus difficile à mettre en forme et les dérives valent le double des dérives Marström !

Alors ? Pas de solution ? Il me semble qu'elle s'impose : il faut autoriser l'utilisation du carbone ! Le carbone est moins cher qu'un bois de qualité et surtout se travaille plus facilement. En remplaçant le bois par du carbone dans le modèle E & V, on réduirait le prix de moitié. Les dérives ne seraient probablement pas plus performantes mais beaucoup plus solides, inusables comme les mâts Marström. Certains diront qu'elles seraient plus rigides et favorables aux poids lourds, d'autres leur répondront qu'il serait enfin possible de construire des dérives souples et solides pour les petits gabarits. Cela engendrerait-il une dépense incontournable, une course à l'armement ? En contrepartie, ne verrions-nous pas se développer un marché de l'occasion aujourd'hui inexistant ?

Le carbone est un matériau moderne, de plus en plus utilisé, dans certains cas moins onéreux qu'il n'y paraît. Faut-il l'ignorer ? L'utiliser pour faire des coques augmenterait leurs performances mais en grevant leur coût. L'utiliser pour les appendices n'apporterait que des avantages et on pourrait obtenir une dérive et un safran pour moins de 400 euros

(*) Pierre Saint Jean, Champion du Monde en Europe en 1975, a été l'un des promoteurs de la série.

Vincent B.


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