Affaler le Spinnaker en étant au trapèze…
                                                                     …avec ou sans avaleur de spi !

par Gary Bodie
Traduit de l’anglais par Jean-Baptiste DUPONT

On m'a demandé souvent quelle est la meilleure façon d'affaler le spi sur un 5o5 à bailles à spi lorsque l'on est au trapeze.

Ce qu'il faut avant tout garder à l'esprit c'est que l'on fait cette manœuvre que lorsqu'il y a vraiment du vent (force 4 et plus…). Ce qui paraît facile dans un article ou à la terrasse d'un café, mais qui n'est pas si évident quand on plane à la limite du déséquilibre, secoués par des grosses vagues et que vous vous apercevez que vous allez près de 30 degrés sous le vent de la prochaine bouée à virer.

Voici en bref ce qu'il faut faire.

Choquez l'écoute de spi, le barreur lofe alors et borde la grand voile en conséquence puis attrape et décroche la drisse de spi. Le spi s'affale sous le vent et flotte en drapeau à environ un mètre au-dessus de l'eau, ne provoquant que peu de remous. Laissez le tangon en l'air, le bras du spi au taquet et le spi flottant jusqu'à ce que vous ayez viré la bouée. Bordez la grand voile et le foc et remontez au près serré. Le barreur passe l'écoute de grand voile et la barre à l'équipier au trapèze en utilisant le stick extensible. Alors que le bateau remonte au près, le barreur va à l'avant, rentre le tangon, rentre le spi en le tirant autour de l'étai au vent et en le rentrant dans la baille à spi au vent, il accroche ensuite la drisse de spi, rend les écoutes claires puis retourne à l'arrière reprend la barre et l'écoute de grand voile.

La technique est la même si vous ne pouvez atteindre la bouée d'empannage, choquez le spi, relâcher sa drisse, naviguez en direction de la bouée avec le spi en drapeau, abattez, re-hissez le spi, empannez et faites le deuxième bord de largue.

Le truc important c'est que vous ne passez pas la barre à l'équipier au trapèze pendant le bord de largue. C'est trop instable et vous allez chavirer pendant que vous vous passez la barre et les écoutes si vous essayez de le faire d'une autre façon alors que vous planez furieusement. Même les équipiers aguerris auraient des difficultés extrêmes à barrer le bateau depuis la position de trapèze dans les bords de largue. Une fois au près serré, c'est déjà assez "chaud", mais le mouvement est assez régulier et l'écoute demande moins d'amplitude lorsqu'on la choque ou la borde, de façon que l'équipier arrive à barrer depuis la position de trapèze. Rappelez-vous que lorsque le spi se dégonfle dans un largue très venteux, vous devez beaucoup border la grand voile et remontez beaucoup ou alors votre équipier va plonger dans l'eau.

J'ai fait toutes ces expériences (et bien d'autres qui ont mal tourné…) et ce que je vous décris là est la meilleure technique que je connaisse.

Avec un bateau muni d'un avaleur devant l'étai, la question est plutôt qui doit affaler le spi ; le barreur ou l'équipier ?

Je suis persuadé que vous devez éviter de transférer la barre et l'écoute de grand voile pendant que vous planez furieusement dans un bord de largue pour les raisons que j'ai expliquées plus haut. Ceci impose que le barreur passe la drisse de spi à l'équipier au trapèze qui affale le spi dans l'avaleur en tirant sur la drisse. L'ennui avec cette technique est que si vous avez une drisse de la bonne longueur pour toutes les autres manœuvres, elle est trop courte pour que l'équipier puisse rentrer le spi efficacement. L'équipier devra rentrer sur ces genoux et ne pourra tirer que 10 cms par 10 cms au moins une centaine de fois, ce qui ne marche pas bien. Si vous avez une drisse plus longue, juste pour cette manœuvre, vous aurez bien trop de drisse autour du puits de dérive le reste du temps, elle s'emmêlera à tout ce qui traîne, si bien qu'un jour ou l'autre vous la couperez !

J'ai trouvé une solution simple et pas chère à ce dilemme sur mon Lindsay à avaleur, et j'ai montré ce truc à d'autres sans que personne ne le copie à ma connaissance (peut-être que mon génie n'est perceptible que de moi !). Pratiquement tout le monde a sa drisse montée en continu autour d'une poulie ancrée à l'intérieur du tableau arrière. J'ai installé une seconde poulie au tableau, puis j'ai monté un bout depuis un clam cleat fixé sur le puit de dérive dans cette poulie et fixé à la poulie dans laquelle passe la drisse de spi. Dans les conditions normales, la drisse a la longueur idéale ( juste assez courte pour éviter les mélis-mélos pendant les bords de largue par vent fort). Lorsque nous avions besoin d'affaler le spi pendant le bord de largue au trapèze, j'attrape le bout, le libère, la poulie de drisse glisse vers l'avant sur le plancher de 80 cms environ jusqu'à ce qu'un noeud sur le bout au niveau de la poulie du tableau arrière ne la stoppe. Voilà, ma drisse fait 1,60 mètres de plus, je la passe à l'équipier, il affale le spi, pendant que nous planons et dépassons les bateaux à bailles à spi découragés !!!

Bon il y a d'autres détails à décrire selon que vous naviguez avec des boules d'arrêt dans les écoutes de spi et si vous pouvez totalement affaler le spi avec le tangon en l'air, mais vous pouvez toujours résoudre ces détails ou bien demandez-moi des conseils à nouveau. Mais oui, cela marche vraiment très bien sur mon Lindsay, surtout parce qu'il n'y a pas de quille au centre du bateau sur le plancher à l'arrière du puits de dérive.


NdT - L'auteur était entraîneur à l'Académie Navale d'Annapolis. Il habite à Hampton où il va reprendre une part active à la 5o5 class. En dehors d'être l'une des meilleures équipes de Chesapeake Bay depuis des années, Gary Bodie and Kevin Eley ont terminé 7ème des championnats du monde en 1990.