Le Challenge « Marcel Buffet ». Comme nul
n’est prophète en son pays, ce sont nos amis belges, du club de Hofstade, qui
ont créé une régate du circuit cinquo qui attribue le challenge « Marcel
Buffet ». Ils lui ont donné une couleur locale car ce challenge est une
réplique plus vraie que nature du manekenpiss célèbre à Bruxelles. La
réplique est qui plus équipée d’un petit tuyau qui se connecte - je vous
laisse deviner où - et qui permet de se servir à boire du rouge bien français
et « cacheté » bien entendu. Le Challenge se coure cette année au SNEH à
la Plate Taille dont le plan d’eau, réputé pour son vent capricieux, ne peut
que sacrer un barreur expérimenté et talentueux. J’aime bien ce plan d’eau,
compliqué à souhaits où il faut tout à la fois un bon sens de l’observation,
un talent évident de tacticien et une bonne dose de chance aussi. Mais
surtout parce que c’est chez madame Derselle que je vais aller loger. Madame
Derselle est dans cet age merveilleux où le temps n’a plus de prise, elle se
passionne pour les plantes d’intérieurs, les poissons à qui elle va dire
bonjour tous les matins, les belles choses, dont une collection de pendules
merveilleuses... Imaginez une nuit chez Madame Derselle, 30 pendules, pas une
de moins, vous indiquent la demi-heure (30 coups) et à minuit pas moins de
360 coups de carillons vous accompagnent dans vos souvenirs les plus
anciens... Madame Derselle et ses quelques chambres amoureusement décorées
pour faire de cet accueil un moment dont vous vous souviendrez toute l’année
est sans doute l’un des vrais trésors qui se cachent à Silenrieux près du
barrage de l’Eau d’Heure à la Plate Taille. On n’était pas assez nombreux pour disputer
ce challenge cette année - la proximité de Cavalaire qui avait fait faire
beaucoup de kilomètres à toute la flotte la semaine précédente y est sans
doute pour beaucoup bien sûr et pourtant il y avait plus de vent à la Plate
Taille cette semaine qu’en méditerranée - imaginez un bon force 3 avec trapèze
quasi permanent samedi et la vrai baston dimanche... oui du Mistral enfin
tout comme ! Samedi on a couru 3 manches et demie... sur un parcours
olympique triangle saucisse (dixit les englishs) plutôt bien mouillé ce qui
est un challenge dans le challenge à lui tout seul sur ce plan d’eau, au
passage... Pendant que je vous écris ces lignes, la première horloge
déclenche les 10 coups de dix heures,... on est partit pour 290 coups
supplémentaires, Marcel qui loge dans la chambre voisine n’en a cure, il dort
comme un bébé la fenêtre ouverte sur le champ où dorment les moutons... Le vent était établi au 235 environ avec une
tendance au backing - cela a permis de mouiller un parcours dans la diagonale
du lac - donc assez long. Le départ de la première manche est donné - on doit
contourner les bouées à tribord, ce qui est plutôt inhabituel et la ligne
paraît très bâbord, encore qu’une saute de vent change les données dans les
dernières 10 secondes... les frères Noclain (Philippe et Jean-Pierre)
prennent un très bon départ, ils ont à leurs trousses deux équipages belges,
tout nouveau dans la série, les frères Hardy (3 frères) anciens du Fireball,
et qui découvrent le cinquo, nous suivons pas très loin - on est très gêné
car notre grand voile ne tient pas en haut - le hook que j’ai fait installé
ne « prend » pas et la voile tombe lamentablement et la bôme dans le
bateau... pas très performant - alors avec un nœud on maintient la GV à 4cms
du haut du mât tant bien que mal... Belle bagarre en tous cas sur ce premier
bord, à la bouée, Noclain vire en tête, on le talonne, les belges Hardy/Crets
suivent, puis Marcel, et Jean-Marc Noclain sur ses talons pour un bord de spi
animé... j’ai mal gréé le spi et voilà qu’en l’air un élastique de rappel
l’empêche de gonfler.. On affale, regrée correctement et renvoie en
surveillant les poursuivants de près... et par chance on ne perd pas de
place... au second bord Philippe et Jean-Pierre assurent et nous contrôlent
pour maintenir l’écart, derrière tous les concurrents sont très groupés, spis
dans spis et à la faveur d’une bouffe ils recollent un peu. On passe la bouée
sous le vent puis suit la remontée sans changement - au vent arrière on a 50
mètres de retard sur les frères Noclain qui ont pris de bonnes options dans
ce bord - on se concentre et naviguent dans les risées puis on cherche à
déventer les frères qui souffrent de nous voir revenir ainsi, à la bouée on
parvient à faire l’intérieur puis à contrôler jusqu’à la ligne d’arrivée pour
leur chiper la première place qui leur était promise à la faveur d’un
contrôle de plus en plus serré. La deuxième manche est partie, nous prenons
un très bon départ bâbord en passant devant tout le reste de la flotte qui a
choisi la bouée, les choses s’annoncent donc bien. Marcel dont le flair est
inné, prend la gauche du plan d’eau, les frères Noclain le centre... et à la
bouée au vent Marcel qui a su exploiter un couloir de vent large de 20 mètres
à peine prend le large, les frères Noclain sont distancés mais second, les
deux équipages belges, les frères Hardy et Hardy/Crets se sont intercalés,
nous suivons et sur nos talons Jean-Marc qui a fait une très belle remontée.
Sous spi la pression est meilleure au dessus, on en profite et nous fondons
les frères Noclain et nous sur Marcel qui se défend comme il peut pour nous
empêcher de le passer - on a 2 forces de vent de mieux que lui... - et il
voit sa confortable avance fondre plus vite que neige au soleil... le second
bord est enquillée très vite car il est court... à la manœuvre, les frères
Noclain font un sans faute, Marcel qui a affalé plus tôt passe second et nous
qui coinçons le spi à moitié affalé faisons 30 mètres de trop pour récupérer
la voile précieuse sans la déchirer, ouf... La remontée au près puis la
descente au vent arrière ne changeront rien, mais à la dernière remontée,
Marcel passe les frères Noclain et nous finissons 3 en ruminant les erreurs
que nous avons commises... Le comité lance la troisième manche, la
température s’est bien rafraîchie, il n’est pourtant que 3h45 mais pendant la
dernière manche le front froid est passé et à transformer une journée
agréable et ensoleillée en une journée d’avril vraiment fraîche... On part
tous tribord, on est au dessus mais notre cap n’est pas très bon, et, c’est
mon défaut, je ne me sens pas à l’aise dans cette position où l’adversaire
immédiatement dessous pointe très haut pour vous sortir...Alors nous virons
et prenons seuls le côté droit - la météo a annoncé un viring, ce devrait par
conséquent être bon... mais au lieu de cela le vent oscille - au prochain
croisement on est bien groupé, Marcel une fois de plus mène le pack, suivi
des frères Noclain, des belges et de nous-mêmes. A l’envoi du spi on a déjà
refait une partie de notre retard, le bord de spi est très serré et Marcel se
bagarre avec talent pour conserver le lead alors qu’on lui colle aux
trousses... c’est à l’empannage qu’on le passe, Marcel est équipé de Xavier,
un jeune aspirant au cinquo, qui vient tâter ce que c’est que de régater, il
est au première loge mais manque de pratique parmi tous les bouts qu’il faut
maîtriser à bord de YaZa. Les frères Noclains prennent les commandes suivis
de Marcel et de nous mêmes - les autres sont un peu distancés car le bord de
largue serré a fait des dégâts, notamment Jean-Marc Noclain et son valeureux
équipier Bastien, qui surpris par une brutale saute de vent on pris le bateau
sur la figure et chaviré dans la foulée - ils ont ensuite sagement abandonné
pour se réchauffer car l’eau du lac n’est encore qu’à 8 degrés aujourd’hui et
Bastien dans son shorty n’est pas vraiment armé pour affronter l’hiver qui
s’est abattu sur le plan d’eau. Pendant que les malheureux se remettent de
leurs émotions, on continue à tricoter à l’envers des deux leaders, et comme
cela arrive parfois, on se retrouve en-tête pour le bord de largue, l’avance
est suffisante pour qu’un contrôle suffise à nous permettre de franchir la
ligne en tête devant les frères Noclain, très réguliers, et Marcel/Xavier
suivis des équipages belges. Le comité a du prendre des mesures car le vent
faisait un backing important, le parcours a été « remouillé » sans hâte,
alors que la température a encore franchement baissé au point qu’on avait
vraiment froid à attendre le mouillage du nouveau parcours. La quatrième manche est alors lancée,
pendant la procédure le vent fait le viring annoncé par la météo et en un
bord du bateau comité on fait la bouée selon une procession que nous menons
grâce à un très bon départ... Ceux qui ont choisi l’autre bout de la ligne
ont 50 mètres de retard... énorme sur des parcours si petits... mais
heureusement, la manche est annulée suite à la vigoureuse protestations des
pêcheurs qui n’apprécient pas trop que l’on vienne naviguer à l’aplomb de
leurs cannes à pêches pour virer les bouées que le comité à placer si près du
bord... On est bien sûr un peu déçu d’une annulation dans une manche que l’on
menait et qui promettait de conforter notre quête du « challenge » mythique,
mais quand même bien content de pouvoir aller nous changer et nous réchauffer
enfin. Au bar, on apprend à faire mousser l’Orval,
une bière délicieuse - chez nous on essaye de ne pas faire mousser la bière
lorsqu’on la sert - et bien en Belgique « une bière sans mousse c’ un comme
un pubis sans poil » me confiera-t-on au bar... de bien mauvais goût en somme
! Grâce à Yves Zeguin, qui sait nous recevoir, un repas tarif « spécial
régate » est servi au club house, on bavarde, on se raconte mille fois nos
aventures du jour et d’hier et on profite du sourire ravageur de Charlotte -
la moitié de Xavier - qui a corrigé ses copies au soleil tout en nous
regardant régater et qui a plein de choses à nous dire sur les coquilles
qu’elle a relevées dans les copies de ses élèves... Dimanche matin, on se
lève tôt chez Madame Derselle qui va nous servir un petit déjeuner pantagruélique
qui commence comme c’est dimanche par une belle tranche de saumon fumée,
suivie d’une omelette pour 4 (on est pourtant que 2), d’une platée de
charcuterie accompagnée de fruit frais et de yaourts,... tout est très frais
et délicieux et servi avec une gentillesse merveilleuse... Tant mieux car
dehors cela souffle, le vent est surtout très froid. A l’arrivée sur le parking rien n’y paraît,
mais à l’autre bout les rafales balayent les caravanes et les campeurs sont
réfrigérés par les bourrasques... le ton est donné. On grée et plusieurs
bateaux se risquent sur l’eau, le départ de la berge est chaotique dans un
vent qui vient du ciel de haut en bas et très peu resteront sur l’eau, les
dessalages se succèdent au gré des bourrasques qui s’abattent sur le plan
d’eau - le comité souffre, car le bateau dérape et pendant une heure les
tentatives de mouiller la ligne sont vaines, nous ne sommes plus que trois
sur l’eau... finalement, manquant de courage, on rentre pour se mettre au
sec. Le départ est pourtant enfin donné, pour un parcours réduit, 2 bateaux
prennent le départ, les frères Noclain et Harcy/Crets. Les frères Noclain
remportent la dernière manche en restant tout du long debout ce qui est un
exploit à lui tout seul. Le comité se ravise et décide d’abandonner la
partie, la régate est terminée, du moins sur l’eau. Sur le parking on a déjà rangé les bateaux
sous la pluie intermittente. Finalement tout le monde se retrouve autour de
bières délicieuses, d’un déjeuner solide puis c’est le tour de la remise des
prix, toujours sympathique et drôle au SNEH. Marcel en rajoute en présentant
le trophée et ses attributs (hors jauge paraît-il ?). Tout le monde est
réchauffé dans cette atmosphère chaleureuse et dans ce bar convivial. Rendez
vous au mois d’Août pour l’Europa cup à Nieuwpoort et en Septembre pour
l’Open de Belgique à la Plate Taille. Merci à nos hôtes qui ont bien fait les
choses pour notre plaisir. |